* Diète cétogène 101 par Jean-Yves Dionne: Franchement santé

Jean-Yves Dionne
Pharmacien, conférencier, formateur
Apothicaire éclectique

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Diète cétogène 101english google translate here

17 MAI 2018 - ARTICLES

La diète cétogène (aussi appelée LCHF stricte) ne fait pas consensus. Plusieurs experts nous mettent en garde contre cette diète « extrême » et « dangereuse ».  D’autres affirment que cette diète est clairement la meilleure et que tous devraient s’y mettre. Je vous propose de regarder ce qu’est la diète céto et ce qu’elle n’est pas. Vous jugerez par vous-même.

L’histoire des gras

La diète cétogène constitue un peu un retour du balancier. Depuis plus de 60 ans, on nous dit que les gras sont mauvais, en particulier les gras saturés, et que les glucides, particulièrement les glucides complexes, sont bons pour nous. Saviez-vous que cette hypothèse n’a jamais été véritablement prouvée? Par contre, ce discours est devenu un lieu commun, un fait accompli, un dogme. Quiconque le met en doute s’expose à devenir un paria.

Ce discours nutritionnel dogmatique est basé sur les travaux d’un certain Ancel Keys qui était obsédé par l’augmentation de la maladie cardiaque après la seconde guerre mondiale. Cette augmentation était due surtout au tabagisme et aux fameux gras trans. Ancel Keys a convaincu les autorités américaines d’enchâsser ses principes dans le guide alimentaire (1977). C’est donc alors qu’est apparue la recommandation de limiter les gras, surtout les gras saturés. Une augmentation continuelle du diabète de type 2 et de l’obésité dans tous les pays a suivi ces recommandations.

En réponse à cette hypothèse non testée à ses conséquences désastreuses, plusieurs chercheurs libres-penseurs ont cherché à comprendre le métabolisme et expliquer pourquoi cette diète, qui devait diminuer le risque cardiovasculaire, fut un échec total.

Ces chercheurs : Dr Stephen Phinney, Dr Jeff Volek, Dr Tim Noakes, etc.

Dès 1980, Dr Phinney démontre que, chez des obèses, la diète cétogène entraine une adaptation métabolique qui, non seulement n’est pas néfaste, mais améliore la capacité à l’exercice et augmente la sensation d’énergie des participants.1

Donc, ce n’est pas d’hier qu’on s’objecte au discours dominant des guides alimentaires.

Lectures suggérées :

  • « Lore of Nutrition: Challenging conventional dietary beliefs » par Tim Noakes et Marika  Sboros, un livre très instructif, à la fois sur l’approche alimentaire LCHF et sur l’opposition viscérale des autorités.
  • http://www.artandscienceoflowcarb.com/research/

Qu’est-ce que le LCHF ?
LCHF vient de low carb high fat. En français, on pourrait dire PGRL : pauvre en glucides et riche en lipides (gras). Il s’agit donc d’une alimentation faible en glucides (hydrates de carbone, féculents et autres sources de sucres) et riche en gras.  Quand on oublie les conflits idéologiques, cette façon de manger ressemble étrangement à celle de mes grands-parents…

Plus précisément, l’alimentation PGRL propose de :

  • Éliminer les aliments sucrés, les aliments raffinés. 
  • Éliminer les féculents (pains, pâtes, patates, farines, riz, etc.)
  • Limiter la consommation de fruits
  • Augmenter de façon importante les sources de gras (huiles de qualité, avocats, viandes grasses, etc.)
  • Conserver un apport en protéines adéquat (ce N’EST PAS une diète riche en protéines)

Selon les apports quotidiens en glucides, on distingue 3 niveaux de PGRL :

  • Libéral : moins de 100 g de glucides nets
  • Modéré : moins de 50 g de glucides nets
  • Stricte ou cétogène : moins de 20 g de glucides nets (certains parlent plutôt de 25 g)

Quand on en aura terminé avec les batailles idéologiques, on s’apercevra que la version libérale est probablement la meilleure alimentation pour la santé de la population en général.

Cétose nutritionnelle

La cétose nutritionnelle est un concept décrit par Stephen Phinney. Lorsque le corps n’a plus accès en abondance à des sources de glucides, il s’adapte et trouve son énergie dans les gras. Pour se faire, il les métabolise en cétones. Ces cétones (la principale étant la bêta hydroxybutyrate [BHB]) sont utilisées par les cellules du corps, incluant le cerveau, et permettent un apport énergétique constant.

Au début, cependant, parce qu’il était habitué à utiliser des glucides, le corps cherche son énergie. Il peut donc y avoir des périodes de fatigue, de confusion. Mais dès que les cétones s’enclenchent, le niveau d’énergie est décuplé par rapport à la période « dépendante des glucides ».

Le temps d’adaptation varie d’une personne à l’autre. Certains s’adaptent en quelques jours à peine. D’autres (comme moi), prennent des semaines à s’adapter.

Réduire les glucides

Pour bien suivre la diète cétogène (ou PGRL stricte), il faut compter ses glucides, surtout au début. De ce côté, aucun féculent, pain ou légume racine, ni aucun fruit, sauf des baies (framboises, mures, bleuets). Par contre, la consommation de légumes feuillages verts est recommandée. Plusieurs ressources sur le web vous aideront à vous y retrouver.

Augmenter les gras

Le plus gros défi de cette alimentation demeure l’augmentation des gras. Culturellement, nous avons peur des gras. Mais il faut pourtant les augmenter, autrement la faim va nous tenailler et notre « moteur » se retrouvera sans source d’énergie. Choisissez les aliments en fonction du gras qu’ils apportent.

Gras saturés

Les gras saturés sont nos amis, eh oui! Ils sont stables et n’entrainent pas d’augmentation des radicaux libres, ni d’inflammation. Les gras animaux comme le suif, le gras de canard, et le fameux bacon sont bienvenus, mais uniquement si l’animal n’a pas été nourri au maïs et/ou au soya. Les bovins et autres animaux nourris avec des sources d’omégas 6 sont des animaux malades.

On ne devrait pas permettre l’élevage aux grains, et surtout pas dans des parcs d’engraissement complètement inhumains. Un bovin est conçu par la nature pour manger du foin dans un pâturage. Ce faisant, il est en santé et fournit des bons gras. Même chose pour tous les animaux de boucherie.

Bref, il faut donc retourner à ce que mes grands-parents faisaient : manger le gras de la viande, utiliser la graisse de rôti, conserver la graisse de bacon, etc. Le steak se prend gras (persillé), avec quelques rondelles de beurre en plus. 

Gras insaturés

Certains gras sont à proscrire. Il faut éviter le plus possible les sources d’omégas 6 : les huiles de maïs, de tournesol, de canola, de soya, de pépins de raisin, de son de riz, etc. Ces huiles augmentent le potentiel d’inflammation.

Les autres gras polyinsaturés, comme les omégas 3 (lin, cameline, noix de Grenoble, chia, etc.) sont bienvenus, mais ne doivent jamais être chauffés.

Végé et céto?

Il est réellement difficile d’allier la diète cétogène à une alimentation végétarienne. La raison est que les protéines végétales contiennent de bonnes quantités de glucides. Le risque, si on réussi à couper suffisamment les glucides, est de manquer de protéines.

La diéte céto chez nos ancêtres

Au-delà de l’adaptation aux cétones et des bénéfices que cette diète apporte, il existe aussi une validation historique / paléontologique à la diète céto.

Cette validation se résume en quelques questions :

  1. Pourquoi tous les herbivores et les mammifères végétariens ont-ils un organe digestif de fermentation (les estomacs multiples des ruminants, les côlons surdimensionnés des végétariens qu’on retrouve chez tous les primates sauf l’humain) ? Tous les mammifères végétariens ont cet organe qui fermente et permet d’extraire de l’énergie sous forme de lipides à partir de la cellulose. L’humain n’a pas cet organe. Il est incapable d’extraire l’énergie des végétaux comme le fait le gorille, le chimpanzé ou le bonobo.
  1. Pourquoi notre système digestif comporte-t-il un intestin grêle 2 fois plus long que ce celui des autres primates ? Pourquoi cette proportion (intestin grêle/côlon) ressemble-t-elle plus à celle du chien qu’à celles des autres primates ? L’intestin grêle est la partie qui absorbe les nutriments de la digestion primaire, comme ceux des viandes.
  1. Pourquoi sommes-nous les seuls primates à avoir un estomac aussi acide, comme les carnivores ? Les végétariens (gorilles et autres) ont un estomac beaucoup plus alcalin que le nôtre parce qu’ils n’ont pas à se protéger des pathogènes de la viande (pensez aux E. coli). Également, l’acidité est nécessaire pour dénaturer les protéines de la viande, mais pas pour le type de protéines de l’alimentation des animaux végétariens.
  1. Pourquoi sommes-nous le seul primate dont les bébés sont gras ? Pourquoi avons-nous une telle capacité à engraisser (comme les ours), alors qu’aucun autre primate n’en est capable ? La réponse se trouve quelque part dans notre évolution, entre le primate arboricole et le chasseur efficace que nous sommes devenus.

Notre capacité à métaboliser les gras et notre attirance historique vers le gibier source de gras explique, en partie, pourquoi cette diète riche en gras confère des bénéfices et, à l’opposé, pourquoi une diète riche en glucides entraine une épidémie d’obésité, de diabète et de maladies chroniques.

Effets secondaires et dangers

Mauvaise haleine?

Au début, les cétones sont éliminées dans l’haleine et dans l’urine. Elles peuvent donc en modifier l’odeur, mais ce sera surtout dérangeant pour la personne qui débute cette diète. Ces fameuses cétones ont une odeur perçue comme fruitée par les autres. Donc, pas vraiment dérangeant…

Nausées, maux de tête et fatigue

Des nausées, des maux de tête et de la fatigue comptent aussi parmi les effets secondaires, surtout durant la période d’adaptation.

Si vous avez des nausées, il faut vérifier l’état de votre foie. C’est un indice que vous aviez raison de commencer cette diète, la plus efficace pour faire régresser la stéatose hépatique (foie gras).

Pour les maux de tête, buvez plus d’eau et prenez du sel (oui, je sais, c’est en contradiction avec Santé Canada… nous ne sommes pas à une opposition près https://www.jydionne.com/grain-de-sel/ ).

Constipation/ diarrhée

C’est un des défis de cette façon de manger. Durant la période d’adaptation, il n’est pas rare de voir des épisodes de constipation (par manque de fibres) ou de diarrhée (difficulté à absorber les lipides). Ces problèmes sont faciles à prévenir en consommant suffisamment de graines oléagineuses (chia, lin, sésame, citrouilles, noix, etc.).

Acidocétose

L’acidocétose causée par la diète cétogène est un mythe. Ce problème ne peut subvenir que chez un diabétique de type 1 ou un diabétique de type 2 sous sous médication. Ça n’existe pas chez un individu non diabétique. Pour tout le reste de la population, cette notion sert surtout à faire peur…

Avantages de la diète céto

Perte de poids / amélioration de la composition corporelle.

Selon certains experts, la diète céto est décevante pour la perte de poids. Mais ces mêmes experts vous diront aussi que les diètes ne fonctionnent pas et que les gens reprennent le poids. Gardner et collaborateurs ont montré que cette diète est la plus efficace pour réduire le poids et améliorer la composition corporelle. De plus, cette façon de manger est plus facile à suivre à long terme que toutes les diètes restrictives où la faim devient la principale sensation. 

Note : La diète Atkins est semblable à la diète céto.
Source : Gardner et al. JAMA. 2007.2

La diète céto est de loin supérieure à la majorité des diètes restrictives. Par exemple, dans une étude canadienne, Mark et collaborateurs montrent une perte de poids moyenne de 11 kg en 3 mois chez des obèses (BMI = 37) 3, alors qu’une diète sévère (recommandée pour des obèses diabétiques) ne donne qu’une réduction de 5 kg en 3 ans (aussi chez des obèses, BMI = 36) 4.

Les résultats à long terme (24 mois) sont systématiquement plus intéressants que ceux des diètes restrictives.

Réduction de la faim

Un des avantages les plus importants de la diète céto est la réduction de la faim. Il est très difficile de suivre un « régime » quand tout ce qui vous vient à l’esprit est la faim, ou les aliments que vous ne pouvez pas manger.

Mythes de la diète céto

Le corps a absolument besoin de 135 g de glucides par jour

Le concept que le corps a absolument besoin de 135 g de glucides par jour est complètement faux. Il faut savoir qu’il a la faculté extraordinaire de fabriquer ses sucres à partir des lipides et des protéines. On appelle ça la gluconéogénèse. D’ailleurs, n’est-il pas curieux qu’un des problèmes majeurs des diabétiques type 2 est justement cette gluconéogénèse qui fait monter leur glycémie durant la nuit ? Et on continue de leur dire de manger des glucides…

Sachez par contre que, comme source d’énergie, les lipides sont de loin préférables aux protéines parce qu’ils représentent un « carburant propre ». Les protéines comportent des fonctions amines inutiles pour fabriquer de l’énergie et produire du glucose. Ces fonctions amines doivent donc être éliminées sous forme d’urée ou d’acide urique, ce qui peut surcharger les reins et le foie et entrainer des conséquences néfastes à long terme. Mais encore ici, ce danger est surestimé par plusieurs. Pour l’éviter, il suffit d’augmenter les gras et non les protéines, tel que recommandé.

L’augmentation de la consommation de viande est risquée pour la santé

L’OMS a mis la consommation de viande comme facteur de risque de plusieurs maladies, et en particulier de certains cancers. Cette notion est basée surtout sur des études d’observation comme le Physician’s Health Study (américaine) et d’autres cohortes nationales. Curieusement, certains pays semblent échapper à cette règle, notamment l’Argentine où la consommation de viande per capita est la plus élevée au monde, mais où le taux de cancer est un des plus faible. Dans l’équation « consommation de viande rouge élevée = augmentation de maladies chroniques dont cancers », il manque une variable importante : la qualité de la viande. Pensez aux différents produits vendus comme étant de la viande aux États-Unis, comme le baloney.

Il faut absolument avoir un suivi médical pour suivre la diète cétogène

C’est une très bonne idée, surtout si vous avez des problèmes de santé, mais ce n’est certainement pas une obligation. D’ailleurs, la diète végane, aussi très à la mode, est beaucoup plus risquée à cause des carences trop fréquentes associées à cette alimentation (protéines, vitamines B12, lipides, etc.). Pourtant, personne ne fait peur aux véganes avec un spectre de complications et de carences nutritionnelles.

Pour se lancer dans la diéte céto, il faut être rigoureux et savoir ce que l’on fait. Elle comporte un période d’adaptation qui n’est, il faut le dire, pas plaisante. Par contre, somme toute, elle n’est pas plus difficile (et je dirais même moins) que toutes les diètes spécifiques qui sont recommandées en ce moment.

Santé!

 

Jean-Yves Dionne
Pharmacien, conférencier, formateur
Apothicaire éclectique

 

Références :

  1. Phinney SD, Horton ES, Sims EA, Hanson JS, Danforth E Jr, LaGrange BM. Capacity for moderate exercise in obese subjects after adaptation to a hypocaloric, ketogenic diet. J Clin Invest. 1980 Nov;66(5):1152-61. PubMed PMID: 7000826; PubMed Central PMCID: PMC371554. https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC371554/
  2. Gardner CD, Kiazand A, Alhassan S, Kim S, Stafford RS, Balise RR, Kraemer HC, King AC. Comparison of the Atkins, Zone, Ornish, and LEARN diets for change in weight and related risk factors among overweight premenopausal women: the A TO Z Weight Loss Study: a randomized trial. JAMA. 2007 Mar 7;297(9):969-77. PubMed PMID: 17341711. https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/17341711
  3. Mark S, Du Toit S, Noakes TD, Nordli K, Coetzee D, Makin M, Van der Spuy S, Frey J, Wortman J. A successful lifestyle intervention model replicated in diverse clinical settings. S Afr Med J. 2016 Jul 3;106(8):763-6. doi: 10.7196/SAMJ.2016.v106i8.10136. PubMed PMID: 27499396. https://www.ajol.info/index.php/samj/article/viewFile/142748/132480
  4. Simonson DC, Halperin F, Foster K, Vernon A, Goldfine AB. Clinical and Patient-Centered Outcomes in Obese Type 2 Diabetes Patients 3 Years After Randomization to Roux-en-Y Gastric Bypass Surgery Versus Intensive Lifestyle Management: The SLIMM-T2D Study. Diabetes Care. 2018 Feb 6. pii: dc170487. doi: 10.2337/dc17-0487. [Epub ahead of print] PubMed PMID: 29432125. https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/29432125
 

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